Tu ne réfléchis plus et tu animes tes jours de ce même et unique mécanisme rouillé et suintant.
Tu te réveilles dans les habits de la veille, la bouche pâteuse, les cheveux collants et les pieds endoloris. Quatre heures sur l'écran clignotant du réveil. Rien que les chiffres rouges t'aveugles. Tu titubes de ton lit jusque dans la baignoire pour un bain tiède ou une douche glacée. Tu découvres les bleus sans origines sur tes genoux, les éraflures inconnues sur tes avant bras. Tu savoure ta peau à nouveau douce et tes paupières enfin écloses. Tu te traines à la cuisine, si ton estomac fonctionne. Tu envois quelques sms, passe quelques coup de fils. Tu retourne à la salle de bain. Tu te brosses les dents et c'est une bénédiction pour ta bouche. Tu passe légèrement tes doigts dans la tignasse emmêlée, histoire de les coiffer. Tu maquilles seulement le haut de tes pommettes à coup d'anti-cernes, histoire d'effacer l'aspect éreinté. T'enfile un vieux collant effilés, le short qui traine sous le lit, n'importe quel tee-shirt ou chemise, tant que c'est quatre fois trop grand pour toi et donc confortable. Tu jettes tout ce qui te parait plus ou moinsimportant dans le sac. Ipod, appareil photo, clopes, clés, portable, paquet de ptit lus. Après avoir enfilé tes chaussures trouées, ton pull et ta veste tout aussi trouée, tu refermes soigneusement la porte et dévale les escaliers. Tu savoure le froid. Puis les gens. Et enfin la nuit. Votre nuit. La fuite dans le temps. La douce dégringolade. Les belles abysses. Petits princes et jolies reines, vous avez tout le pouvoir sur les trottoirs. Gouverneur de bitume aux senteur d'alcools vous êtes seuls et uniques sous les lampadaires, le temps d'un passage de lune. L'aube seulement, osera vous reprendre à l'ivresse du soir. Au premiers rayons de soleil la jeunesse s'épuise, le sang bat moins fort, les maux ne sont plus indolores. Alors tu te retrouves là, sur ce banc glacé, bercée par la nausée. Le matin te fait te sentir pitoyable, tu le sais, tu le sens déjà. Depuis les mois sombres, tu appris que dans les journées, il n'y avait plus de places pour toi. Vampire de sensation tu retournes à ton caveau isolé. Tu te traines au domicile le plus proche pour te laisser tomber dans la douceur de draps propre. Tu dors longtemps de cet habituel sommeil sans rêves. Pour te réveiller à quatre heure dans les habits de la veille.
Jusqu'à ce que tu te réveille en sursaut. Rattrapée dans ta fuite. Tu comprends que n'était qu'une automate sans but. Tu sens le vide qui suinte sous ta chair, que la nuit n'as jamais comblé. De tes étoiles en cartons il ne reste que des cendres incolores. Des jolies trouillardes comme toi, il y en a dix milles.