Le soleil derrière la vitre. J'essaie d'animer mon corps mais sous les draps rien ne bouge. Mes jambes sont de coton et se désarticulent à la moindre impulsions. Mes os craquent et mes épaules souffrent de courbatures. Je sens un baiser sur mon front, c'est doux, c'est furtif. L'instant d'après j'ai déjà oublié la sensation rassurante. Je n'arrive même pas à ouvrir les yeux. Les paupières brûlent et restent closes. Il fait chaud dans la pièce, froid sous ma chaire. Je sais que c'est lui qui vient de refermer la porte de l'appartement. Je me vois jeter les couvertures, sauter du lit, courir jusqu'à l'ascenseur et empêcher les portes de se refermer. Mais quand j'ouvre enfin les yeux, je suis toujours tétanisée sur le matelas. Je tente de me souvenir.
1h30. Sous les lampadaires de la piste cyclable. Je crois que c'est là. Je revois ma silhouette chercher un appui sur ses épaules. Mais quand il se retourne, il fait froid dans ses yeux. Il se mord la lèvre, fixe le sol. Pour chacun de ses gestes imperceptible, je sens mon estomac se tordre un peu plus . J'ai l'impression de deviner avant l'heure. Je voudrais que l'univers devienne totalement silencieux l'espace d'un instant, pour que les mots qui sortiront de sa bouche n'arrivent jamais jusqu'à mes tympans. Cependant j'ai beau me fissurer les paupières pour ne pas voir, pour m'enfuir dans le noir, je finis par entendre. Jveux pas comprendre. Jveux qu'il ravale ses mots, que sa bouche se fende d'un large sourire, qu'il me donne une tape dans le dos et me murmure, c'est pour rire. Mais quand j'ouvre les yeux il n'y a rien de drôle. Juste mon coeur explosé sur le macadam.
Mes muscles ne répondent toujours pas. J'essaie de comprendre l'aube, sa main dans mes cheveux, et le pourquoi. Je crois qu'on fait comme si, comme avant. Je crois qu'on va faire semblant.
Saez - Des marées d'écume